« Quel avenir pour la presse online » – Débat à deux balles (dans le pied)


Crédits photos : @francbelge
Hier j’ai assisté au Café Numérique sur l’avenir de la presse en ligne. Comme beaucoup, j’attendais un débat sportif : une belle confrontation Le Soir / La Dh, un clash privé / public, des idées créatives pour monnayer le business model de la presse en bien. Or, il faut bien constater qu’il n’y a pas eu confrontation, à peine y a-t-il eu débat tant l’ensemble des membres du panel étaient d’accord sur le fond du problème : « on ne peut pas faire mieux car on n’a pas d’argent ».
Le nerf de la guerre était donc la star invisible de l’événement :

  • Les internautes ne veulent pas payer pour des contenus informatifs
  • Les recettes publicitaires sont insuffisantes.

Pire, face à ce constat, certains membres du panel, ont même carrément botté en touche en arguant que les personnes présentes dans la salle – « vous, les geeks »   avaient des attentes trop grandes et que le commun des mortels pouvait déjà bien être content de l’offre actuelle. Certainement pas la meilleure manière de se mettre les dizaines de médiaphages présents dans la salle dans la poche…
Selon moi, cela revient même à se jeter une balle dans le pied à une époque où une des solutions à envisager pour aider le secteur de la presse tout court est d’impliquer ces passionnés,  ces early adopters, ces personnes très connectés socialement et dévoreurs de médias, qui en plus se déplacent par dizaines pour assister à ce genre de débat, dans le processus de renouvellement du business model de la presse. (Vous pouvez reprendre votre souffle).
Comme le dit Joseph Jaffe – spécialiste du nouveau marketing – la rétention est la nouvelle acquisition, c’est en faisant des utilisateurs/clients heureux des ambassadeurs auprès d’autres que l’on fera avancer le business et conquérir de nouveaux clients/lecteurs et je pense sincèrement que c’est une des solutions à envisager pour résoudre cette quadrature du cercle.
Le débat a donc rapidement tourné en rond parce que personne sur le plateau n’était capable de parler « fric » et « nouvelles approches marketing ». Comme, on ne demande pas aux ouvriers de chaîne de montage de régler le problème de la crise automobile, ce n’est pas (prioritairement) le boulot des journalistes de trouver les moyens de leur financement. Si le problème est financier, c’est aux financiers/aux marketeux d’apporter des solutions. Ils ont plutôt bien réussi leur coup avec la télé, à eux de trouver une solution pour le web. Et s’ils ont besoin d’un coup de main, je suis sûr qu’il y a encore quelques personnes présentes aux débats d’hier qui seraient prêt à leur filer quelques conseils.
Légende (de gauche à droite)
Yves Thiran, Chef de rédaction Nouveaux Médias et Responsable portail info à la RTBF. (@yvesthiran)
Philippe Laloux, Digital Media Manager du Soir.be. (@Philaloux)
Ralph Vankrinkelveldt, rédacteur en chef de DH.be et de la DH. (@RalphVKV)
Philippe Siuberski, journaliste à l’AFP. (@PhilBruAFP)
Fabrice Lambert, rédacteur en chef de feu BfmToday.com
Jean-Jacques Deleeuw, Directeur RTL Newmedia.

Join the Conversation

18 Comments

  1. Hello Julien,
    Bel article. Je pense que tu as raison… ce n’est pas uniquement une question de moyen(s). Tout commence par la vision (idéalement “partagée” et c’est souvent là que le bas blesse). L’implémentation du changement peut se faire ensuite étape par étape. – L’expression clef que j’aime dans ton article : “impliquer les passionnés”. Right on!

  2. Not surprised Julien… It’s like those “bloggers versus journalist” debates which we still find here and there… Mainstream media simply don’t get it. There are models that work but they are just too lazy (and politicized ?) to bother looking at how others are doing. Engagement is key, money as well but both can work hand in hand. Great blogpost and fine analysis. Cheers.

  3. Salut les amis. Comme je l’ai dit hier, ainsi que d’autres sur le podium, l’adoption de nouvelles pratiques par les médias classique est parfois trop lente, sans doute parce qu’il s’agit de structures souvent lourdes, et pourrait s’inspirer plus du dynamisme de la blogosphère. Mais proposer des changements de format à des centaines de clients dans le monde, ayant des attentes et des moyens techniques différents, demande une préparation en amont incroyable. On s’y met, mais cela nécessite des moyens sans proportion avec le lancement d’une nouvelle appli Iphone, par exemple. Impliquer les “passionnés” peut être une solution, mais si l’on veut que ceux-ci produise une info de qualité, à rythme constant, il vont bien finir par vouloir être rémunérés à la hauteur, et l’on retombe sur la question du financement… On peut tous écrire un billet sur un sujet qui nous passionne, mais sur des tas de sujets différents, avec la nécessaire précision tout en conservant la clarté (pour ne pas tomber dans le jargon), c’est déjà plus dur. C’est très sympa de lire un billet sur le caféN où on se trouvait hier, mais par exemple, je ne suis pas sûr que la qualité de la photo ci-dessus corresponde aux attentes d’un public plus large, qui lui n’était pas au débat. Quant aux spécialistes des nouvelles techniques de marketting présents, je ne les ai pas entendu mettre en avant les solutions innovantes dont vous parlez, sucès stories à l’appui.
    Suis bien entendu prêt à poursuivre le débat quand vous voulez.
    amts,
    Philippe

  4. Grand merci @toutes et tous pour vos commentaires. Ca fait très plaisir de prolonger le débat d’hier ici.
    @PhilBruAFP – tu es le premier journaliste à réagir. Ca me fait très plaisir. Quand je parle d’impliquer les “passionnés”, je ne parlais pas tant de production de contenu que d’entre autres la promotion de nouveaux modèles économiques comme le micro-paiement, différentes formes de publicités, de contenus sponsorisés… Je crois que les gros consommateurs de médias s’ils ne sont peut-être pas prêt à ouvrir leur portefeuille pour de l’infos, seront prêts à oeuvre à un nouveau modèle si le risque de voire le robinet de leur flux RSS coupé… Reste à définir ensemble une stratégie.

  5. Philippe,
    Tout d’abord, merci d’avoir joué le jeu et d’être venu participer au débat hier.
    Toutefois je constate encore dans votre réaction les contradictions qui font de la presse un dinosaure.
    Quand vous insistez sur la difficulté, l’aspect insurmontable, les moyens incroyables nécessaires, je vois des excuses pour continuer à faire la même chose que depuis 15 ans. A toujours essayer de suivre ou rattraper les évolutions techniques, sans recul, à la hâte, et donc sans business model pertinent.
    A l’heure ou vous devriez avoir cette réflexion de fond, il faudrait comprendre ce que “Impliquer les passionnés” peut signifier. Il ne s’agit pas de faire venir des blogueurs et de faire du buzz autour de votre nouvelle application iPad…
    Il faut interagir avec ceux qui suivent de près, voir créent ces évolutions techniques, les entrepreneurs, les développeurs, leur poser des questions sur l’évolution du média, créer de vrais partenariats, pour trouver des approches véritablement innovantes.
    A vous entendre vous plaindre des (ex-)startups qui vous “volent” votre gagne-pain, je vous rappelle qu’elles n’ont pas commencé avec des moyens énormes ou avec des équipes importantes, juste avec de bonnes idées.
    Pour venir jouer sur leur terrain, le monde de la presse doit aussi commencer à penser à penser comme celui des startups. Et c’est pour l’instant loin d’être le cas.
    Greg

  6. @Gregone
    Tout d’abord, je tiens à rappeler que je ne suis pas dans une position décisionnelle, comme certains autres intervenants d’hier, mais un simple producteur de contenu (texte pour l’essentiel), simplement intéressé par l’évolution de mon secteur d’activité… Je ne sais pas comment les patrons de presse réagissent quand ils rencontrent des entrepreneurs, développeurs, etc. Ni même s’ils se rencontrent… De plus, je pense qu’il y a tout de même des évolutions, mais, désolé d’insister, les gros médias sont des porte-avions plus difficiles à manoeuvrer que des start-ups. Et je ne me plains pas que ces start-ups qui nous voleraient notre gagne-pain (où ai-je dit ça?), simplement qu’elles risquent, du moins dans un marché aussi étroit que la Belgique, d’être confrontées aux mêmes embuches que les médias établis. J’aurais bien aimé entendre des idées neuves fuser de la salle, mais j’ai surtout entendu des critiques, parfois caricaturales, envers les dinosaures que nous serions… Peut-être était-ce dû au format du débat (un micro, un panel et une salle,…). Peut-être que les discussions plus pointues se sont poursuivies au bar…
    @brasjul Je suivrai avec la plus grande attention l’avènement d’un nouveau modèle… et je ne serai sans doute pas le seul, puisque l’avenir de la presse (et les conséquences sociales, mais aussi démocratiques) en dépendent sans doute.

  7. Hello,
    Merci Julien pour ce compte rendu. Et merci aux réactions. Je savais que j’aurais du venir 😉
    De mon expérience, j’ai l’impression que le problème, avant tout, est la taille du marché belge (déjà petit et en plus divisé en 2). Pour qu’un site soit rentable, y a pas de secret il faut du traffic…. Même si un journal proposait un service / outil / application ultra innovante, si la belgique reste son marché principal, ça n’ira pas bien loin.
    Ce n’est qu’une impression après avoir beaucoup bossé sur des projets web ambitieux qui n’ont jamais aboutis pour certains acteurs de la presse belge.
    Le plus malheureux est qu’on risque d’arriver à ce que l’information
    dite de “qualité” devienne payante, et devienne même trop cher pour la majorité des gens (bonjour la fracture culturelle !).

  8. Firstly, I would like to point out that we really had a panel of amazing, smart, creative journalists and experts there last night. Bravo @CafeNumerique for a really good lineup.
    Perhaps it should have been up to us to ask the questions we wanted of the panel from the outset. The questions that really interested us. Or should we have made them speak to us from behind the bar ?
    Because the conversations we had with the panel members after the official event were fascinating !

  9. Philippe,
    Je comprends ta position, et il est vrai que certaines de mes remarques sont sûrement adressées à l’ensemble du panel, et pas précisément à toi. Et merci encore de continuer ici la discussion.
    Par rapport à vos remarques sur le manque d’agilité des sociétés de média (d’ailleurs, félicitations pour l’analogie navale, ça m’en rappelle une autre…), c’est justement le problème. Vous êtes face à des sociétés dont la spécialité est l’innovation et qui diffusent votre contenu. Où sont vos équipes d’innovateurs? Quand verra-t-on des médias d’Europe continentale créer l’équivalent de http://nytlabs.com/ ? Et ce n’est pas de la critique, c’est du conseil…
    En bref, après quelques rencontres comme celles-ci, je suis juste assez triste de constater que les discours restent les mêmes, et que les discussions les plus intéressantes se font toujours au bar avec des acteurs non-décisionnels, et ne mènent à rien, ou si peu.
    (pour les plaintes: cf. AFP 2005 et CopiePresse 2008)

  10. Une chose primordiale pour les médias est de comprendre l’écosystème complet. Dans ce monde digital, ils doivent conjuguer avec une foule de nouveaux intervenants tels que les opérateurs telecom, les fabricants de device, les développeurs d’applications… J’ai créé un modèle qui permet de les aider. Il se trouve sur slideshare: http://bit.ly/DiCoDE

  11. @Gregone: c’est facile d’innover sur un marché aussi grand et aussi homogène que les USA. Question de frais fixes… Par contre, en Europe, euh… Belgique… euh, Belgique francophone…

  12. Un excellent résumé de ce que j’ai peu entendre hier soir. Rien de neuf sous le soleil. Bel article

  13. Et pourquoi pas une open platform ouverte à tous les médias belges. La différenciation se fera plus sur le contenu (core business de ces groupes) + contexte + communautés que sur les investissements technologiques…

Leave a comment

Your email address will not be published. Required fields are marked *