S’il vous plaît, ne me parlez plus des marques
Cet épisode est né d’un coup de gueule. Je n’en ai marre que l’on utilise le mot « marque » pour dire « entreprise ». Probablement une habitude de gens de la com’. Selon moi, la notion de marque porte en elle la notion de visibilité, de narcissisme voire d’égocentrisme. Aujourd’hui le temps est à l’entreprise au premier sens du terme. Nous devons entreprendre, ensemble, un périple vers un monde foncièrement différent. Je suis convaincu que la communication peut accompagner ces changements. Dans un contexte de crise, la base mais malheureusement aujourd’hui un grand défi, c’est de parler le même langage et que chacun se sentent à sa place, dans son rôle. A partir de ce distinguo entre « marques » et « entreprise », je vais explorer la nation de sens dans de le métier de communicant. Cet épisode a été l’occasion pour moi de mettre dans le bon ordre des impressions et des intuitions qui vivent en moi depuis bien longtemps. Je suis donc à la fois heureux et fébrile de partager ça avec vous, n’hésitez donc pas à partager avec moi vos impressions. Merci pour votre écoute.
Dans son numéro de rentrée, le magazine business Trends Tendances a -mis en couverture un dossier intitulé : « Publicité et Covid 19 : Comment les marques se réinventent » un dossier sur la manière dont les annonceurs se positionnaient dans une ère post-covid. De nombreux marketing et communication managers de grandes entreprises belges étaient interrogés. La plupart d’entre eux s’accordaient à dire combien il était important aujourd’hui de revoir le discours des entreprises en se montrant plus humaines, plus empathiques et en étant beaucoup plus ancrées dans les valeurs, dans le purpose (le fameux « why originel » des entreprises.
Avant tout de chose, il me tient à coeur de d’exprimer tout mon respect et ma bienveillance pour Frédéric Brébant, l’auteur de ce dossier, et les personnes qui seraient mentionnées ou auxquelles je fais référence dans ce podcast. Nous sommes dans un monde complexe, je suis convaincu que nos positions sont aussi le reflet dans l’environnement dans lequel nous évoluons.
Une des conclusions de ce dossier signé Frédéric Brébant, reçu il y a deux ans dans ce podcast, est mise en exergue dans l’article : « Avec la montée en puissance de la responsabilité sociale des entreprises et la crise du Covid-19 qui en a accéléré le mouvement, les marques n’ont plus guère d’autres choix que de repenser leur discours ». Et pour moi, cette conclusion reflète assez bien l’attitude des responsables communications et marketing interrogés dans l’article issus de grandes entreprises basées en Belgique : « Coca Cola, Delhaize, BNP Paribas Fortis, ING, D’interne… interrogés dans le dossier.
éCe qui me fout en pétard, c’est que’à part l’une ou l’autre initiatives issues du monde bancaire, aucun porte-parole n’évoque l’absolue nécessité – dans un contexte de crise notamment sanitaire – pour être crédible, digne de confiance, donner envie d’oeuvrer ensemble à un avenir meilleur…) de revoir la manière dont nos entreprises agissent, interagissent avec leur environnement. Non, l’important selon ces personnes serait de guillemets en l’air « repenser le discours ».
Comme si nos bouches étaient déconnectés de nos mains, de nos oreilles, de nos cerveaux, de nos coeurs… C’est un clou sur lequel je frappe régulièrement dans ce podcast mais le métier de communicant / marketer vu trop souvent comme un concepteur et un amplificateur de messages doit se remettre en question et réinventer.
Alors, le temps n’est à pas au changement de DISCOURS !!! Il est temps de changer NOS ACTIONS ! Et d’éventuellement les rendre visibles s’il y a lieu (on y reviendra)
pour amener les citoyens et embarquer dans de nouveaux gestes, comportements, attitudes plus en adéquation avec les défis d’aujourd’hui.
Si je suis si remonté par la notion de marque, c’est précisément pour cette raison de contexte. Le temps est aux actes pas au narcissisme ou à l’auto-glorification et encore moins à l’enjolivement de la réalité. Est-ce qu’avant de nous pencher sur notre branding, est-ce qu’il ne serait pas plus utile de se demander quelle position, notre organisation veut être dans le monde… Et ne venez pas me collez une étiquette de « Purpose », de « Goodness » voire d’ « Happiness marketing » là-dessus où je vous sens que je vais bouffer mon micro. Pour moi, ces acceptions ne sont que de jolies étiquettes pour qualifier des stratégies de positionnement de marques qui selon moi ne sont que du vent si elles ne sont pas ancrées dans des réelles dynamiques vivant à l’intérieur des plans stratégiques des entreprises et des organisations.
Pour essayer d’y voir plus clair, permettez-moi de convoquer Artistote. C’est mon podcast, je fais ce que je veux ! En simplifiant très fort, pour convaincre son auditoire, Aristote distinguait 3 leviers : premièrement, le logos, le discours et la qualité des argument; deuxièmement, l’ethos, ce qui se dégage de l’orateur à travers son attitude, ses comportements et enfin, le pathos, les émotions que l’on cherche à susciter auprès de son auditoire. Je pense qu’il est l’heure de redonner la place à l’éthos et à des comportements en lien avec les enjeux de notre société. Et ce choix, c’est également une option par des personnes qui ont la charge de la communication, du marketing ou de la réputation d’une entreprise. Pour faire simple, l’ethos doit également être des préoccupations majeures des communicants et pas uniquement de logos et de pathos.
Camus a dit – punaise, j’aurais dû vous prévenir que ça allait tourner au cours de philo – : « Mal nommer quelque chose apporte un peu plus au malheur du monde ». Entre parenthèse, je pense que cette phrase a particulièrement été d’à-propos ces derniers temps. Dans les périodes de transition multiple que nous vivons, je pense qu’il est plus que temps de s’entendre sur les mots que nous utilisons. Certains mots, certaines réalités font tellement partie de notre quotidien que l’on oublie leur signification induite. Le langage guerrier voire colonisateur des « gens de la com » : public cible, campagne de pub, taux de conversion,… a déjà été plusieurs fois été remis en question.
Si le fait de prendre le mot « marque » m’insupporte lorsque l’on veut parler d’une entreprise ou d’une organisation, c’est parce que cela tant à réduire l’organisation à une entité active dans un milieu de concurrence guerrière plutôt qu’active dans un dialogue, une collaboration en écosystèmes nécessaire à nos sociétés. Dans le même ordre idée, je m’impose de parler de « citoyens » et plus de « consommateurs » lorsque je cherche à évoquer le public à qui les actions de communication sont destinées. Encore une fois pour ne pas réduire le citoyen à son rôle consumériste, passif. Encore fois, le citoyen est situé dans un contexte, à des moyens d’actions sur son environnement fussent-ils passer par le caddie lorsqu’il fait ses courses.
Selon moi, il est temps que les communicants accepte de sortir d’une culture siloïsée de l’organisation qui n’a plus beaucoup de sens aujourd’hui. Souvent, le job d’un chargé de marketing, d’un changé de communication, c’est de gérer l’image de marque, voire la réputation. Je le concède, dans un monde de plus en plus complexe, on n’a pas fini de le dire, je le crains… la mission de celles et ceux qui ont la charge de cette marque est loin d’être simple : comment investir mon budget média, sur quelle plateforme, pour quels objectifs,… Et de devoir dire à ma hiérarchie ce que tout cela rapporte, c’est chaud, je n’en disconviens pas… Il est réellement important pour moi pour une foule de raison que le métier de communicateurs soient connectés à la destinée et à l’ethos de l’entreprise, de sorte à pouvoir être une oreille à l’écoute de ce qui vit dans la société, à l’extérieur de l’entreprise, dont les enjeux sociétaux qui la concerne directement ou indirectement.
Selon moi, redonner du sens à notre métier passe par là, sous peine de notamment continuer à voir les burn-outs exploser dans le secteur de la communication.
C’est quoi donner du sens, quand on fait de la com’ ?
Un bon début serait pour moi de nous connecter au sens de l’action collective de l’entreprise au sein de laquelle nous oeuvrons, cela me semble impératif. Je ne pense pas que je pourrais trouver du sens à mon métier de communicant si je devais le faire pour un fabricant d’armes ou un cigarettier, certainement pas.
Plus spcéfiquement, il me semble qu’en tant que communicant, il est essentiel aussi de percevoir sa propre contribution au but final de l’entreprise, voire de contribuer à l’adapter.
Aujourd’hui la performance financière ne peut plus être le seul critère de réussite d’une entreprise. Le respect de l’environnement, le satisfaction des clients, la motivation des collaborateurs sont des critères de réussites auxquels, je pense, tout salarié et a fortiori des communicants doivent être sensibles. Il me semble donc important pour les communicants – comme pour toutes les autres fonctions d’ailleurs – de pouvoir avoir une vision la plus claire possible sur la manière dont nous contribuons à ces buts. C’est certainement un enjeu de ressources humaines et de la communication interne pour les organisations.
Dans une logique plus micro, il me semble qu’il est important de pouvoir analyser le sens de notre métier au quotidien à travers cette petite équation qui n’engage que moi…
Le sens, selon moi, vient de l’alignement entre la trilogie : valeurs/actes/discours associée à un contexte le tout confrontés aux résultats que l’on vise. Cela donne une formule mathématique un peu alambiquée mais qui a dit que c’était simple de trouver du sens ? S’il y a discordance entre les membres trio «valeurs/actes/discours » c’est déjà mal barré mai si en plus, ces actions ne sont pas en relation avec un contexte et ne produisent pas de résultats. Quel sens nos campagnes, nos actions, notre métier peuvent-ils avoir ?
En clair, mon job n’a pas de sens si je promeus les produits d’une entreprise dont je ne partage pas les valeurs, une communication d’entreprise n’a pas de sens si elle n’est pas connectée à une réalité d’actes effectifs, ma campagne de communication n’a pas de sens s’il ne tient pas compte du contexte dans lequel elle est émise, si elle ne produit pas de résultats. D’où encore une fois l’importance de s’accorder au sein de l’entreprise (en impliquant le comité de direction) sur les critères de succès de nos actions en lien avec nos valeurs.
Pour en revenir aux actions issues du monde bancaire citées dans le dossier de Trends Tendances, je prendrai l’exemple de l’action Yes, we are open de BNP Paribas Fortis. J’aurais pu faire référence à l’action d’ING qui va ans le même sens. Avec cette action, BNP Paribas Fortis, qui se positionne depuis longtemps comme la banque des entrepreneurs, a décidé de donner un coup de pouce à une sélection d’entre eux à travers une campagne de communication (site internet, réseaux sociaux, publicité traditionnelle)… L’objectif affiché de la campagne était de soutenir les entreprises dans un contexte de déconfinement en encourageant leurs clients à revenir faire affaires avec eux. Concrètement, plusieurs dizaines de PME ont reçu leur petit kit « quart d’heure de célébrité » : photos, vidéos, affiches, reportage en ligne… Ceux-ci mettaiet bien évidemment en avant la qualité de la relation entreprise-chargé de relation au sein de la banque. Je pense que ce genre de campagnes peut avoir de réelles vertus et pas uniquement en termes d’images. Je pense qu’elle peut contribuer modestement à recréer un climat positif visant à redémarrer l’activité économique. Oui, je pense que la méthode Coué peut apporter des bénéfices… Mais au-delà de ça : est-ce que cette campagne a eu un réel impact sur le chiffre d’affaires des clients de la banque ? Est-ce qu’elle a été bien perçue par les autres clients ? Et sur la motivation des chargés de clientèles ? Est-ce que la banque va continuer ses efforts en matière d’investissement sociétalement responsables ? Il ne m’appartient pas de me prononcer là-dessus. Par contre, je serais heureux d’apprendre que ces questions ont été analysées en interne pour que ce bel effort de communication ne soit pas un coup de pub déconnecté des réalités du terrain et des multiples enjeux de société.
Je pense clairement que la notion d’alignement entre actes/valeurs/discours sera centrale pour les entreprises dans les années à venir. Je pense que vous aurez compris que les gens de la com’ en interne ou en externe auront un rôle déterminant. En tout cas, personnellement, j’ai choisi d’y participer.
Comme quoi un simple coup de gueule peut amener à une réflexion plus profonde qui j’espère que vous sera utile…
Merci donc à Frédéric et ses personnes interviewées…